L’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes dans le secteur de la santé est-elle l’autre victime de la crise sanitaire ?

L’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes dans le secteur de la santé est-elle l’autre victime de la crise sanitaire ?

En 2020, l’association Donner des Elles à la Santé a été créée dans le but de favoriser l’émergence d’une prise de conscience collective sur les difficultés rencontrées par les femmes médecins pendant leur carrière et de proposer des pistes pour y remédier. Une première enquête réalisée avec Ipsos nous permettait alors de prendre la mesure du défi à relever : 87 % des femmes médecins déclaraient avoir été victimes de discrimination au cours de leur parcours professionnel à l’hôpital. Un constat alarmant et partagé par 89 % des médecins hommes. La crise sanitaire que nous traversons depuis plus d’un an n’a fait qu’aggraver cette situation. Les chiffres de l’édition 2021 de ce baromètre révèlent un climat général d’insatisfaction pour 82 % des femmes et des hommes du secteur hospitalier. Celui-ci concerne tout autant l’équilibre entre vie privée et vie professionnelle pour 64 % d’entre eux, que le niveau de rémunération pour 47 %.

Face à la crise sanitaire, femmes et hommes du secteur de la santé ne sont pas égaux

Cette situation qui dure depuis maintenant plus d’un an fait peser sur les professionnels hospitaliers une grande tension : il en résulte une diminution de l’ambition puisque plus d’1 médecin hospitalier sur 2, homme ou femme, ne souhaitent pas avoir de responsabilités plus importantes. 

La charge mentale en découlant pèse cependant beaucoup plus chez les femmes que chez les hommes, faisant ressortir pour chacun des préoccupations différentes : 69 % des femmes médecins de moins de 45 ans redoutent de ne pas s’en sortir alors que les hommes sont plus préoccupés par la réussite (45 ans et +) et le gain en salaire (moins de 45 ans).

Sur le plan professionnel comme personnel, les répercussions de la crise sanitaire ont un impact majeur chez les femmes. En effet, au niveau professionnel, elles provoquent une perte de confiance (69 %) et l’envie de tout lâcher (67 %). Tandis que, dans la sphère privée, jusqu’à 73 % des femmes (vs 54 % des hommes uniquement) ont le sentiment de tout faire à la maison, le partage des tâches ne semblant pas une réalité pour beaucoup de femmes… 

L’ambition professionnelle des femmes s’en retrouve diminuée, tel un dégât collatéral de la pandémie - 82 % ont le sentiment qu’elles ne vont pas s’en sortir, 85 % se sentent démunies. 

Dans ce climat délétère, les situations de discrimination touchent 85 % des femmes et s’intensifient tout au long du parcours professionnel

Ce phénomène concerne près d’1 femme sur 3 dès les premières années d’études, 1 femme sur 2 pendant l’internat et le clinicat, et près de 3 femmes sur 5 dans les premières années de carrière. Cette situation, qui ne s’améliore pas au fil du temps, aurait même tendance à s’aggraver. 

Avec la parole qui se libère chez les femmes, ce sont tous les indicateurs de la discrimination qui se dégradent. 

Parmi ces marqueurs, on observe le sentiment de voir les hommes davantage sollicités dans des activités de représentation (63 %), une valorisation plus importante des hommes à travail égal (52 %), les mises en garde sur la maternité et la vie de famille qui empêchent les futures mères de postuler à des postes à responsabilité (46 %).

Aujourd’hui, les hommes reconnaissent ces sentiments de discrimination à l’égard des femmes mais dans une moindre mesure. La parité est loin d’être atteinte et la majorité des médecins reconnaît qu’il y a bien plus d’hommes que de femmes aux postes à responsabilité dans les hôpitaux : direction de laboratoires de recherche, présidence de conseils d’administration ou de CME, chefs de service ou chefs de pôle, direction d’établissements, etc. 

Si le risque était finalement une forme de “normalisation” silencieuse de ces inégalités et situations discriminatoires… 

Si rien ne change, il existe un réel danger de voir les stéréotypes s’ancrer davantage dans le quotidien de l’hôpital. Ainsi, 60 % des hommes pensent qu’il est plus difficile pour une femme que pour un homme d'y avoir une carrière réussie car elle doit accepter de sacrifier en partie sa vie de famille. Ils sont également 62 % à considérer que les inégalités entre les sexes dans le milieu hospitalier sont exagérées et que, le plus souvent, ce sont les femmes qui ne choisissent pas les mêmes carrières que les hommes, soi-disant de leur plein gré (52%). 

Beaucoup plus inquiétant, les situations discriminatoires progressent, les propos déplacés sur le physique (65 %) ou les compétences professionnelles (63 %) sont fréquents et les atteintes sexistes ou sexuelles perdurent. L’ensemble de ces actes sont reconnus par les médecins hospitaliers hommes, qui déclarent en avoir déjà été les témoins. 

Reconnaître les inégalités et discriminations ne suffit plus : il est temps de passer du constat à une mobilisation réelle ! 

Fait positif, un début de prise de conscience est amorcé chez les hommes puisque 2/3 se déclarent favorables à l’instauration d’une démarche de parité femmes/hommes pour l’ensemble des postes à responsabilités et la représentation externe.  

Un signal encourageant qu’il s’agit de concrétiser, d’autant plus que la participation des hommes sera déterminante. 79 % des femmes déclarent en effet avoir rencontré dans leur carrière des hommes qui les ont fait grandir. 

Nos pistes d’action

1. Accompagner les hôpitaux qui souhaitent initier une démarche Egalité en :

  • Fournissant une charte formalisant l’engagement des différents acteurs avec des indicateurs de suivi et de bilan précis,
  • Proposant des conseils et outils simples (check list) pour gagner du temps et favoriser l’adoption.

2. Animer la communauté des adhérents via :

  • Des ateliers en ligne,
  • Une communication régulière sur le sujet de la mixité,
  • Des prises de parole dans les médias ou les réseaux sociaux.

3. Faciliter l’adhésion via :

  • Mise en ligne d’un site web : www.donnerdesellesalasante.org
  • Partage des contenus (dont les Baromètre IPSOS 2020 et 2021),
  • Un réseau de partenaires/acteurs de la santé qui s’accroit.

Vous souhaitez en savoir plus sur le sujet ? Retrouvez ici en replay les échanges de l’atelier débat du 20 mai 2021 autour de cette thématique du déploiement d’une démarche d’égalité au sein des établissements de santé, avec : 

➡️ Dr Marie-France Olieric, CHR Metz-Thionville
➡️ Sophie Barre, Directrice des ressources humaines et de la formation, CH Béziers
➡️ Philippe Banyols, Directeur général, CH Béziers

À PROPOS DE DONNER DES ELLES À LA SANTÉ 

Donner des Elles à la Santé est une association loi 1901, née de la rencontre entre deux femmes, profondément engagées dans l’égalité des femmes et des hommes dans le monde de la santé, mais aussi dans la société dans son ensemble : Géraldine Pignot, Chirurgienne & Présidente de l’association et Emmanuelle Quilès, Présidente de Janssen France. Leur constat est sans appel : malgré une nette féminisation médicale, il y a encore trop peu de femmes à des postes à responsabilité dans le monde de la santé. Pourtant, la mixité est un facteur de cohésion et d’innovation. L’initiative Donner des Elles à la Santé s’engage pour mobiliser tous les acteurs de la santé vers un changement de culture et d’organisation, afin que le monde médical s’enrichisse de cette diversité. 

L’association Donner des Elles à la Santé est composée d’un collectif d’acteurs publics et privés et d’un comité de pilotage de 17 membres. Elle est soutenue par Janssen, Sirius Customizer, J&J Medical Devices, FHF, FEHAD, Conférence des doyens de médecine, Inserm, UNICANCER, Région Ile de France, FITC et Jeunes Médecins.