Lever les freins à l’innovation pour capitaliser sur l’accélération du virage numérique en santé et améliorer le parcours patient

Lever les freins à l’innovation pour capitaliser sur l’accélération du virage numérique en santé et améliorer le parcours patient

Trop complexe, trop long, trop contraint ? Notre système de santé – et le virage numérique et technologique qu’il a pris notamment dans le secteur hospitalier, serait-il entravé par des freins impossibles à lever ? Je ne le crois pas !

Si l’innovation numérique en santé doit composer avec certaines difficultés de nature organisationnelle, règlementaire ou technique, pour autant, il existe des solutions nécessaires à son développement et à l’ambition portée par le plan Innovation Santé 2030 : devenir champion européen de la santé numérique. Cela se fera à certaines conditions indispensables à l’amélioration du parcours de soins des patients et de l’accès aux soins, ainsi qu’à la diminution du temps d’hospitalisation.

En tant qu’acteur majeur et engagé du bloc opératoire du futur, les principales difficultés que nous observons s’expliquent par la multiplicité d’acteurs dans le monde de la santé, avec une hétérogénéité qui ne facilite pas la Gouvernance : comment s’organiser ? Qui prend les décisions ? Comment casser les silos ? Cette complexité s’accompagne d’un problème d’interopérabilité des différents systèmes : établissements hospitaliers et industriels doivent réfléchir ensemble aux plateformes de demain qui permettront cette interconnexion. Ces plateformes, plus que jamais, devront répondre aux exigences de sécurité pour protéger les établissements et les données patients d’intrusions malveillantes.

A cet enjeu organisationnel, s’ajoutent des freins d’ordre réglementaire. Par manque d’organismes notifiés, nous nous heurtons à la difficulté de mise en œuvre de la nouvelle règlementation européenne relative aux dispositifs médicaux (MDR) qui ralentit le rythme d’accès à l’innovation.

En termes de financement, les conditions d’accès au marché deviennent de plus en plus difficiles pour l’ensemble des industriels. Cette année, le déremboursement de certains dispositifs médicaux sans augmentation des forfaits hospitaliers pour les établissements de santé dans des pathologies comme l’Accident Vasculaire Cérébral et la poursuite des baisses tarifaires des dispositifs remboursés à l’hôpital dans un contexte inflationniste, ne donnent pas aux dispositifs médicaux innovants la prévisibilité et la pluri-annualité budgétaire nécessaires pour être rapidement accessibles aux patients. A cela s’ajoute le mécanisme de régulation peu prévisible de la clause de sauvegarde pour les produits de santé instaurée par la Loi de Financement de la Sécurité Sociale (LFSS).

Les conséquences sont également délétères sur l’attractivité de la France pour les investissements et les innovations.

Pour autant, ces défis qui peuvent être ressentis comme une entrave au déploiement de projets de santé numérique, ne doivent pas cacher l’extraordinaire attractivité de la France en matière de talents (chercheurs, ingénieurs, professionnels de santé…) et le dynamisme mondialement reconnu de notre écosystème d’innovation. Johnson & Johnson MedTech en est le premier exemple, avec l’intégration d’équipes et de technologies françaises (chirurgie assistée par robot d’Orthotaxy ou des solutions d’imagerie 3D de Visible Patient) pour construire la chirurgie robotique et assistée de demain.

Nous devons travailler main dans la main avec les autorités de santé pour lever la dichotomie existante entre les aspects purement développement, innovation et accès au marché. A l’heure où démarrent les discussions sur le projet de LFSS 2024, nous préconisons une approche holistique du parcours de soin, basée sur le bénéfice médico-économique et la valeur en santé afin d’évaluer un budget juste. Mesurer de façon exacte la contribution des solutions innovantes à l’efficience et à l’organisation des soins est une des pistes encourageantes au programme de la mission Borne en début d’année sur la régulation des produits de santé.

Enfin, avec les établissements de santé publics comme privés, nous avons engagé un dialogue pour ensemble lever les obstacles et trouver des solutions concrètes destinées à leur transformation technologique. A commencer par une acculturation impérative des soignants et des directions métiers aux enjeux techniques liés à l’innovation. Investir massivement sur le numérique en santé, c’est s’assurer d’une véritable interopérabilité ; c’est également mettre en place des infrastructures favorisant le partage et la consolidation de la donnée et appliquer des standards universels à l’échelon européen.

Le numérique en santé est d’ailleurs l’objet d’un Manifeste que nous avons publié, mettant en avant la nécessité d’adopter un modèle de gouvernance ouvert, collaboratif, pluridisciplinaire et d’impliquer les directions informatiques hospitalières très en amont pour anticiper les besoins et permettre de chorégraphier leur mise en œuvre technique. Notre objectif est également de mieux travailler au recueil et à l’analyse des données – qu’elles soient générées par le système de santé, les technologies numériques à l’hôpital et au bloc, les patients eux-mêmes qui seuls peuvent évaluer leur douleur, leur autonomie ou leur qualité de vie – afin de mieux comprendre le parcours complet du patient. L’exploitation de ces données en association avec des bases de données contextuelles ouvre des perspectives innombrables dans les domaines de la prévention individualisée et des soins à domicile.

C’est cela aussi et surtout la promesse du numérique en santé : un hôpital dont les activités dans les murs et hors murs exploitent tout le potentiel des technologies numériques disponibles pour la santé et le bien-être des patients.


Francois Gaudemet
Managing Director J&J MedTech France